Article complet : "Au déserteur inconnu"

     On parle peu des soldats déserteurs de l'armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Loin d'être devenus des symboles de résistance au nazisme, ils ont longtemps été considérés comme des lâches et rejetés pas la société.

 

          Le déserteur encombre l'histoire, et les réfractaires de la Wehrmacht ne font pas exception. Ils ont été relégués au ban de la mémoire nationale et des travaux historiographiques pour s'être extirpés du bras armé de l'Allemagne nationale-socialiste. L'individualisme dont ils ont fait montre à l'heure de l'embrigadement généralisé leur a valu une image d'"asociaux", qui a perduré au-delà de la Seconde Guerre mondiale. Cette continuité, qui tend aujourd'hui à s'estomper, révèle la force de certaines structures socio-étatiques persistant au travers des régimes.

 

Déserter de la Wehrmacht

 

          "Devant Dieu, je prête le serment sacré d'observer une obéissance absolue au Führer du Reich et du peuple allemand, Adolf Hitler, commandant suprême de la Wehrmacht, et d'être prêt en vaillant soldat à donner ma vie pour ce serment". Ce n'était donc plus une fidélité "au peuple et à la patrie" que devait jurer tout conscrit allemand à partir de la réintroduction du service militaire obligatoire en mars 1935, mais à la personne même du Guide national-socialiste. L'individu ne s'appartenait plus. Il n'avait plus de volonté à exprimer, il perdait toute maîtrise de sa destinée et se devait de donner jusqu'à sa vie. Il n'était plus reconnu au soldat de la Wehrmacht aucun droit personnel, aucun droit à l'autodétermination, l'obéissance primant sur toute autre considération. Il était réduit au rang de simple "matériel humain" mis au service de la politique belliciste et génocidaire national-socialiste.

 

          Cependant, on estime que jusqu'à la fin 1944, environ 300 000 soldats désertèrent la Wehrmacht, tandis que nombre désobéirent aux ordres ou s'automutilèrent1. Ces insoumissions redoublèrent durant les derniers mois de la guerre. Les motivations sont difficiles à établir, car les rares sources écrites proviennent de jugements où les accusés tentaient d'échafauder leur défense et se souciaient peu d'exprimer leur vérité. Il semble en tous les cas que l'impact de la propagande russe et américaine appelant les soldats allemands à la désertion, voire les conseillant sur les techniques de simulation de maladie fut faible. En ce sens, la pluplart des déserteurs allemands se distinguent par une indifférence à la propagande, aussi bien nationale, qui les soumettait à une obéissance délétère, qu'ennemie (notamment soviétique) qui leur promettait par feinte un accueil fraternel. En réalité, les motifs, extrêmement variés, des déserteurs étaient souvent très personnels, profondément intimes. Même si elle a pu exister, la désertion comme acte politique était une exception2. Beaucoup agirent par solidarité envers des oppressés du régime ou parce qu'ils appartenaient à une minorité partisane, telle que les témoins de Jéhovah, ou à une minorité assujettie, telle que les "Volksdeutsche" incorporés de force (Alsaciens, Mosellans, Luxembourgeois, Polonais, etc.). Mais la plupart cherchèrent simplement à s'extirper du "carnage", aiguillonnés par un profond dégoût, la peur de mourir ou le désir de vivre. Finalement, ce n'étaient bien souvent que des quidams affirmant leur individualité à l'heure de l'embrigadement général organisé par les nationaux-socialistes. Paul Kurt, jeune Berlinois déserteur,  avertit ses parents en août 1944 depuis la prison où il attend son exécution : "Vous pouvez bien me considérer comme un lâche. Ma vie m'est plus précieuse qu'un encart dans le journal : "Il est tombé pour le Führer, le peuple et la patrie""3.

 

          L'insoumisson des déserteurs était considérée comme la pire des trahisons, non seulement à l'encontre de la puissance militaire du Reich, mais aussi envers la communauté du peuple allemand. Parce qu'ils ont fait passer leurs intérêts particuliers avant ceux du régime, ils ont été dépeints comme des "asociaux", des marginaux. Les procès-verbaux de jugements s'appesantissent ainsi sur les vols et larcins (auxquels était en réalité contraint le fuyard pour survivre) et détaillent les antécédents des déserteurs, qui avant d'être mauvais soldats, auraient été mauvais fils, mauvais élèves, mauvais travailleurs. Le déserteurs représentaient la figuer-type du "lâche", par opposition aux "vrais hommes" -virils, disciplinés et ayant le sentiment national- dont l'armée était la matrice. Celle-ci n'était d'ailleurs que le prolongement naturel d'un embrigadement paramilitaire débuté à l'âge de dix ans avec la Jungsvolk puis la Hitlerjugend. Plus qu'une ignominie, la "lâcheté" était définie juridiquement comme un crime, correspondant à un "cas particulièrement lourd de violation du service militaire obligatoire par peur d'un danger personnel"4. Cette image du déserteur -asocial et lâche- construite par les juges militaires, explique en grande partie la violence de leur répression et leur difficulté à être reconnu après la guerre.

 

          L'indulgence de la justice militaire du IIe Reich, qui arrêta durant la Première Guerre mondiale 150 condamnations à mort et en fit exécuter 48, fut présentée après la guerre comme un des éléments du "Dolchstoss" (coup de poignard dans le dos) donné à l'armée et donc comme une des causes de la défaite. Adolf Hitler en tira aussitôt les conséquences pour la suite : "Le déserteur doit être bien conscient que sa désertion lui apporte justement ce qu'il veut fuir. Au front, on peut mourir. Comme déserteur, on doit mourir."5 Arrivé au pouvoir en 1933, il s'empressa de rétablir la justice militaire, que la République de Weimar avait supprimée, et l'érigea au rang de pilier du IIIe Reich, apte à assurer la cohésion et la force de l'armée, mais aussi du peuple dans son ensemble. Cette justice militaire, investie d'idéologie nationale-socialiste, rendit durant la guerre près de 50 000 condamnations à morts, dont 35 000 à l'encontre de membres de la Wehrmacht (23 000 pour désertion, auxquelles s'ajoutent celles pour "atteinte aux forces armées"). Plus de 21 000 d'entre elles furent exécutées6. En comparaison, la justice militaire américaine a rendu durant la même période 763 condamnations à mort, dont 146 ont été exécutées. mais on constate surtout un extraordinaire écart entre la pratique de la justice militaire allemande de la Première Guerre mondiale et celle de la Seconde.

 

          Cela démontre le caractère spécifiquement national-socialiste des tribunaux du IIIe Reich, qui ne cherchaient pas tant à punir des délits et des crimes ou à assurer la protection des personnes qu'à maintenir un régime politique : "Il prévaut sur la justice toute relative rendue à l'individu, la justice absolue vis-à-vis de l'ensemble, face au peuple et à l'Etat, ce qui se réferre pour nous à l'expression de nécessité militaire."7 Cette justice se donnait également pour mission d'éliminer les plus faibles : "La guerre fait parmi les meilleurs hommes de cruelles victimes, fauche des hommes plein de valeurs selon les critères ethno-biologiques et cause des souffrances indicibles aux clans dominant moralement et physiquement. De ce fait il ne peut nullement être question d'une protection particulière pour les hommes de moindre valeur, s'agirait-il même dans le détail de personnes à plaindre."8

 

          Les déserteurs, en tant que figures de l'individualisme, furent les premiers à payer le prix de cette instrumantalisation du droit. Ils furent traqués et jugés pour l'exemple, afin de préserver la discipline militaire, mais aussi pour éradiquer les "sous-hommes". Une directive d'Adolf Hitler, datée du 14 avril 1940, compléta l'arsenal législatif à l'encontre des déserteurs et autres coupables d'"atteintes aux forces armées",9 en exigeant que le recours à la peine de mort dans les cas de désertion soient davantage systématisé. Ceux qui ne finirent pas fusillés, guillotinés ou pendus intégrèrent généralement des camps ou unités de prisonniers situés aux points les plus risqués du front et surnommés, du fait de leur taux de mortalité éminement élevé, "Himmelfahrtskommandos" car ils "menaient droit au ciel". Au derniers instants de la guerre voire après la capitulation, des tribunaux itinérants, notamment sous contrôle des SS, condamnaient encore et exécutaient sur le champ ceux qui tentaient de se dérober à la "lutte finale", semant derrière eux, au bord des routes, des pendus placardés "je suis un lâche déserteur".

 

Etre reconnu

 

          Après guerre, la figure du déserteur renvoya l'Allemagne vaincue à toutes ses contradictions, témoignant de sa difficulté à assumer son passé. On peut distinguer trois phases dans l'évolution du rapport qu'entretint la nouvelle République avec ses déserteurs.

 

          Au départ, ceux qui auraient pu tenir lieu de bonne conscience à un peuple en mal de résistants conservèrent en réalité les traits du "traître" et du "lâche". Comme durant la guerre, leur exclusion fut un des ciments de la cohésion nationale, car le fait de les reconnaître aurait renvoyé chaque conscrit, c'est-à-dire quasiment chaque Allemand, à sa propre responsabilité et finalement à sa propre culpabilité dans les menées criminelles du IIIe Reich. La défense de l'intégrité de la Wehrmacht devint après guerre une cause prioritaire qui permit de rasséréner la nation, mais également de prolonger la lutte contre le bolchévisme dans le cadre de la guerre froide.

 

          Le chancelier Konrad Adenauer distingua en 1952 l'armée de la gangrène nationale-socialiste qu'il contonna à la sphère politique et administrative, laissant "l'honneur de la Wehrmacht sauf". Les anciens juges nazis, qui furent pour la plupart réintégrés dans l'appareil judiciaire ouest-allemand ou firent carrière dans l'administration et la politique10, continuèrent de dépeindre les déserteurs comme des marginaux. Erich Schwinge, ancien juge militaire ayant trouvé après-guerre une place de professeur de droit et de recteur de l'université de Marburg, les présenta comme des "psychopathes" et justifia leur répression : "les 10 000 à 12 000 condamnations à mort étaient -on ne doit pas l'oublier- le prix à payer pour que l'Europe de l'Ouest soit préservée de la déferlante bolchévique". Le Bundesgerichtshof, interpellé par des demandes d'indemnisation d'anciens condamnés de la justice du IIIe Reich, définit en 1964 la désertion comme un crime et reconnut la validité juridique des articles de loi l'ayant sanctionnée jusqu'à faire appel à la peine capitale. Il motiva ainsi son arrêt : "il n'existe assurément aucun Etat où il est reconnu à tout citoyen le droit de décider si une guerre est juste ou injuste et, en conséquence, de satisfaire ou non à son devoir civique d'accomplir un service militaire. Si l'Etat accordait à chaque citoyen ce droit, alors il se vouerait à sa propre perte. De ce fait, la question de savoir si une guerre est juste ou injuste ne peut être confiée individuellement à chaque citoyen. Peut-être ne peut-elle même pas toujours être tranchée assurément par la science historique contemporaine. Le jugement en est très souvent rendu par l'Histoire et ne dépend aucunement du fait que la guerre ait été victorieuse ou non. Ces réflexions prouvent qu'un refus de service militaire en temps de guerre ne peut être couvert. Par conséquent, ce droit ne peut être étendu au point de justifier des comportements qui représentent un danger sérieux pour tout Etat".11

 

          Dans ce contexte, les témoignages de déserteurs restèrent rares et furent noyés dans la masse de récits de guerre exaltant la lutte armée. L'appel de Heinrich Böll exhortant les déserteurs à se manifester demeura inexorablement vain12. Il en alla de même en Allemagne de l'Est qui, après avoir élevé  les déserteurs de la Wehrmacdht au ranng de résistants au national-socialisme, étouffa tous les témoignages pouvant détonner dans l'entreprise de remilitarisation du début des années 1950.

 

          Ce fut dans les années 1980 que commença à se fendre la chape de plomb qui s'était abattu, à la faveur de la guerre froide, sur les déserteurs de la Wehrmacht. L'initiative en revint à des groupes activistes de pacifistes les mettant en avant pour mieux légitimer leurs propres revendications. Ils érigèrent à travers toute l'Allemagne des monuments à la mémoire du "déserteur inconnu", le premier étant réalisé en 1981 dans la ville de KasserL Ce mouvement, qui s'inscrivit typiquement dans une démarche mémorielle de mise en valeur subjective du passé au profit d'intérêts présents, se souciait cependant moins du cas des déserteurs de la Seconde Guerre mondiale que de légitimer un programme pacifiste dans une période tendue de la guerre froide. Ils s'opposèrent notamment au développpement de de l'arméee allemande et à l'installation de missiles nucléaires de l'OTAN sur le territoire ouest-allemand. Ce lobbyng représenta la premeière prise de position publique d'ampleur en faveur de la réhabilitation de's déserteurs de la Wehrmacht, ce qui ouvrit un débat d'enverfure nationale auquel participèrent historiens et politiques. Daniel Cohn(Bendit notamment défendit en 1986 la réhabilitation des déserteurs, comme figure d'identification pour la nouvelle génération : "Où est-il ce monument dans les villes allemandes, pas seulement celui en l'honneur du combattant de la résistance, mais aussi celui en l'honneur du déserteur ? Où en est-elle cette identification du peuple allemand avec les hommes qui ont eu le courage de déserter la Wehrmacht ?"13

 

          On note combien dans ces deux premières phases la perception négative ou positive, des déserteurs de la Seconde Guerre mondiale fut dépendant des prises de position vis-à-vis de la guerre froide. Ce regard anachronique est finalement démonté par le travail de recontextualisation que menèrent certains historiens allemands s'attachant à souligner les spécificités de la Wehrmacht, c'est-à-dire une armée niant la liberté individuelle de ses membres et mise au service d'un Etat criminel. Ils relativisèrent notamment les figures extrémistes du "lâche" et du "héros" pour souligner celle du "simple homme", encourageant les déserteurs et victimes de la justice militaire nazie à prendre publiquement la parole et à s'organiser en associations.

 

          Une reconnaissance publiquement à leur égard put alors s'élaborer progressivement durant les années 1990, malgré l'imme"nse tollé que provoqua encore l'inscription, sur demande du président Richard von Weizsäcker, d'un groupe de déserteurs au mémorial de Berlin pour la résistance allemande. Le 11 septembre 1991, un tribunal d'instance fédéral, le Bundessozialgericht, reconnut pour la première fois à une veuve de déserteur le droit de toucher une pension. Cet arrêt fit jurisprudence et amena à la reconnaissance juridique des déserteurs. Suite à une coalition entre les Grünen (les verts) et le SPD (les socialistes), le Bundestag admit, par une résolution datée du 15 mai 1997, l'injustice des condamnations prononcées par les tribunaux de la Wehrmacht pour désertion et "atteinte aux forces armées", tout en témoignant de "son respect et sa compassion envers les victimes". Finalement, en 2002, fut adoptée une loi stipulant l'annulation des condamnations nazies à l'encontre des déserteurs et leur réhabilitation au vu, toutefoi, de leurs motivations.

 

          Cet engagement politique fut suivi par la création, dans les différents Länder, de nombreux lieux de mémoire qui stimulent le souvenir et la recherche scientifique autour de la question des condamnés de la justice militaire, et plus particulièrement des déserteurs. L'opinion publique demeure cependant toujours divisée sur la question, comme en témoigne l'agitation autour du transfert, en 2005 à Ulm, d'un monument à la mémoire des déserteurs depuis un terrain privé vers une place publique.

 

"L'insurrection silencieuse" des déserteurs

 

          L'écrivain Alfred Andersch a présenté, en 1952, sa désertion de la Wehrmacht comme son "tout petit 20 juillet", en référence à l'attentat dirigé contre Hitler par des officiers d'état-major, c'est-à-dire qu'il l'assimilait à un acte de résistance, mais à un niveau personnel14. Ce rapprochement apparut alors indécent et fut notamment rejeté par les lois d'indemnisation des victimes de guerre qui soulignèrent qu'"aucun opposant au national-socialisme n'était [...] un asocial, [...] un réfractaire au travail"15, témoignant ainsi de la persistance de l'image du déserteur forgée par les juges militaires durant la guerre.

 

          Il nous est, en fait, difficile de saisir dans leur ensemble les déserteurs de la Wehrmacht, eux que l'on présente volontiers comme des "petits hommes" qui ont pris le parti d'agir en leur nom propre quand l'Histoire les mobilisait. Ils ne formèrent assurément aucun mouvement organisé, mais agirent individuellement ou en petits groupes au gré des opportunités et des soutiens, ne représentant bien souvent qu'eux-mêmes. L'individualisme du déserteur pris au coeur d'une "völkischen Wehrgemeinschaft" (sorte de "peuple-armée") explique en grande partie l'opprobre qu'il continue de subir après-guerre. Mais si leur "insurrection [fut] silencieuse", pour reprendre l'expression de l'écrivain allemand Günter Weisenborns16, elle fragilisa sans conteste les menées de la guerre. Ils inculquèrent un esprit de fronde au sein de l'armée et leur traque mobilisa d'importants moyens administratifs qui ralentirent la machine de guerre. Cependant, derrière les conséquences louables de leurs actes, se pose la question irrémédiable de leurs motivations. Certainsdraient voir en eux des résistants et en leur acte une détermination politique. Autrement dit, on ne reconnaîtrait de légitimité à cette "expression de soi" que si elle se faissait au bénéfice de tous. Mais assurément, le déserteur n'est généralement pas homme à être érigé en figure héroïque de la nation. Bien souvent aussi éloigné de la figure du "traître à la nation" que de celle du "héros à la nation", que d'aucuns ont tour à tour tenté de forger, le déserteur n'agit pas "par rapport" mais uniquement "au sein" d'un contexte collectif, auquel il cherche justement à échapper.

 

          En fin de compte, si la figure du déserteur est si embarrassante, c'est qu'elle révèle l'ambiguïté avec laquelle les Etats, même les plus libéraux, admettent la liberté individuelle. Pour pouvoir exister, un Etat a besoin de la cohésion du peuple. Le recours au devoir d'obéissance est nécessaire pour pallier les manques du "contrat social". Cela explique, sans doute, en grande part les difficultés qu'a eues l'Allemagne à reconnaître les déserteurs de la Wehrmacht. Le nouvel Etat démocratique allemand cherchait avant tout à défendre le principe d'autorité, et ce d'autant plus qu'il se trouvait dans un contexte de remilitaristion du fait de la guerre froide. Preuve est ainsi faite que la force de l'Etat transcende la qualité de cet Etat, car tout en fustigeant le IIIe Reich et ses menées criminelles, la nouvelle République s'est longtemps refusée à considérer ceux qui s'en sont extirpés. Et si la population allemande en a fait de même, c'est sans doute par propension à faire bloc, en toutes circonstances, sous forme d'une communauté, qui rassure, parce qu'elle déresponsabilise au moment des actes et déculpabilise par la suite. L'individu et ses velléités ne siéent que peu aux Etats et aux sociétés, quels qu'ils soient.

 

          Et si finalement, le Bundestage en est venu à reconnaître les déserteurs de la Wehrmacht, c'est en restreignant ces actes d'insoumission à un contexte particulier, où le bon droit pouvait résider dans l'opposition à la légalité. L'Allemagne a choisi d'en tirer leçon pour l'avenir en reconnaissant dans sa constitution l'objection de conscience comme un droit fondamental.

 

                                                                                                      Frédéric Stroh

 

 

1. Fritz Wüllner, Die NS-Militärjustiz und das Elend der Geschichtsschreibung. Ein gründlegender Forschungsbericht, Baden-Baden, 1997, p.461.

 

2. Jörg Kammler, Ich habe die Metzelei satt und laufe über. Kasseler Soldaten zwischen Verweigerung und Widerstand (1939-1945), Fuldabrück, 1985.

 

3. Norbert Haase, Deutsche Deserteure, Berlin, 1987, p.105.

 

4. Article pénal § 85 Militärstrafgesetzbuch.

 

5. Adolf Hitler, Mein Kampf, 1923-1924.

 

6. Manfred Messerschmidt, Fritz Wüllner, Die Wehrmachtjustiz im Dienste des Nationalsozialismus. Zerstörung einer Legende, Baden-Baden, 1987.

 

7. Martin Rittau commentant en 1940/1941 le code pénale militaire, MStGB, dans le Zeitschrift für Wehrrecht.

 

8. Norbert Haase, Das Reichskriegsgericht, Berlin, 1993.

 

9. La désertion était définie et sanctionnée par le § 69 MStGB, l'éloignement non autorisé par les § 64 et 65 MStGB, l'atteinte aux forces armées par le § 5 KSSVO. Ces articles pénaux reconnaissaient aux juges la liberté du choix de la peine à appliquer dans de tels cas (travaux forcés, prison, exécution, etc.).

 

10. A la différence du Tribunal allié de Nuremberg qui reconnut la complicité coupable des juges dans l'Etat nazi, la justice ouest-allemande d'après-guerre n'en condamna aucun, au nom du principe du "jus in bello" et de l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au législatif. Les anciens juges s'assurèrent ensuite un monopole historiographique présentant la justice militaire du IIIe Reich comme un bastion de la résistance, notamment à travers l'édition en 1977, par Erich Schwinge, de Die deutsche Militärjustiz in der Zeit des Nationalsozialismus rédigé par Otto Schweling.

 

11. Arrêt du Bundesgerichtshofes, daté du 24 juin 1964, cité in : Norbert Haase, Deutsche Deserteure, Berlin, 1987, p.91.

 

12. Heinrich Böll, Wo sind die Deserteure ?, 1953.

 

13. Norbert Haase, Deutsche Deserteure, Berlin, 1987, p.111.

 

14. Alfred Andersch, Die Kirschen der Freiheit, 1952.

 

15. Loi fédérale d'indemnisation citée in : Norbert Haase, Deutsche Deserteure, Berlin, 1987, p.91.

 

16. Günter Weisenborns, Der Lautlos Aufstand, 1953. Traduction française : Une Allemagne contre Hitler, 1998.

 

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